Katarina est la petite-fille de Olga et P. Algot NILSSON (HYLLIENMARK) 1er Missionnaire de la Contrée Loubetsi-Banda. La 2e génération n’est plus. Katarina travaille au Luxembourg et a le projet d’écrire une documentation sur ses grands-parents.
Pour répondre avec exactitude à ces questions, moi, petite-fille de MBY Joseph, je me suis rapprochée du dernier fils de MBY Joseph, mon oncle Benoît KOUKEBENE et de ma sœur aînée Delphine BIRANGUI. Mon oncle Benoît a eu le nom de son grand-oncle KOUKEBENE, il a connu dans son enfance le Missionnaire HYLLIENMARK et sa femme Olga. Ma sœur Delphine est l’aînée de 12 enfants de notre maman MAKANGA Elisabeth ( 1ère fille de MBY Joseph), Delphine est l’épouse du Dr Dapthone MBOUYOU, est aussi l’aînée de la 3e génération des petits-enfants de MBY Joseph. Elle a passé sa petite enfance à Loubetsi auprès de ses parents et grands-parents avec lesquels elle gardera une relation privilégiée.
Juste pour donner un contexte au départ des missionnaires à l’époque (de Kararina) :
La Suède était un des pays les plus pauvres de l’Europe vers 1900, presque 20% de la population émigrait vers les USA à cette époque. Quitter le pays était donc une option bien réelle, souvent la seule option de changer sa vie. Pour les croyants, la mission était aussi une manière de se faire une vie qui a un sens, de quitter une vie avec peu d’opportunités, d’obtenir une indépendance et un statut.
Mon grand-père était l’ainé de 5 frères et sœurs. Dès l’adolescence, après six ans d’école, il travaille dans la mine de calcaire/l’industrie de ciment, où travaille aussi son père, jusqu’à son admission à l’école des missionnaires. Ses études sont financées par un membre aisé de la congrégation.
Ma grand-mère était la fille ainée d’un boulanger. Elle avait 8 frères et sœurs. Grace à un soutien financier, elle fait une formation d’institutrice après les six ans de l’école obligatoire.
Ce sont des parcours assez typiques pour les missionnaires de cette époque.
Voici mes questions :
1. Tout d’abord, qu’est-ce que votre grand-père a représenté pour la communauté de Loubetsi, selon vous ? Et, au niveau plus personnel, qu’est-ce qu’il représente pour vous et votre famille ?
MBY Joseph est né de MOUNDADA un chef de clan redoutable et de TSOUKOU, sœur de KOUKEBENE qui aura une influence dans la vie du jeune MBY. C’est lui qui dans la période coloniale, à la mort de MOUNDADA, va placer ses neveux MBY et MAFOUA Pierre à l’école primaire catholique, devenu le Tuteur légal en vertu du matriarcat.
Il est au contact des « Blancs », « écrivain » et accompagnateur, il conduit les colons de Pointe-Noire au comptoir de Mouyondzi. Quand les Missionnaires suédois arrivent à Mouyondzi avec la vision du SEIGNEUR pour la contrée enclavée dans la sous-région du Niari, il confie son neveu MBY, instruit en français et parlant les dialectes de la grande contrée d’où il est originaire.
Le Missionnaire précurseur est P. Algot NILSSON HYLLIENMARK accompagné des Natifs MBY Joseph, de MAHOUNGOU Emile et KOUMBA Pierre.
MBY Joseph Interprète et guide, devient le premier Moniteur en 1922 et plus tard Pasteur à Loubetsi-Banda (ou Loubetsi 1) car la station sera plus tard déplacée à Loubetsi Mfumu Mallembé le long de la route construite par l’Administration coloniale. Celle-ci recommandait aux villageois des zones enclavées de s’établir le long de la route qui rejoignait le GABON.
L’évangélisation des populations de la contrée, l’éducation, la santé et les œuvres étaient au coeur de l’action missionnaire évangélique de SUEDE. Et plusieurs Missionnaires hommes et femmes vont avec les Natifs, créer la Mission définitive de Loubetsi (Mfumu Mallembé) rassemblant beaucoup de dialectes : balumbu, bakuni, bayaka, bapunu, etc…
Plusieurs avaient quitté leurs villages pour scolariser leurs enfants, suivre la foi chrétienne et avoir un autre avenir.
Ceci explique pourquoi MBY Joseph était le Chef de tous, estimé pour ses fonctions et sa personnalité parmi les Natifs et les Missionnaires.
Il était d’ailleurs appelé « Ya Siefu » ou « Grand frère-chef »
Pour mémoire : le Collège de l’Etat dans District de Kibangou (Niari) porte son nom MBY Joseph, en reconnaissance de la contribution de sa vie au service de toute la contrée …
2. Joseph Mby est né à Loubetsi, mais il a quitté son village tout jeune pour aller à l’école à Kolo. Comment ça s’est fait ?
MBY Joseph est né Mallembé vers Ngokango, à la frontière du territoire des Bapunus.
En effet, Loubetsi actuel ne sera créé que beaucoup plus tard, la première station est la Mission de Loubetsi-Banda dès 1922.
Là naîtront d’ailleurs les premiers enfants de MBY.
C’est son oncle KOUKEBENE qui l’avait scolarisé, bien avant l’arrivée des Missionnaires. Le projet des Missionnaires lui convenant, il a retiré son neveu de l’école catholique pour KOLO chez les Protestants Evangéliques. Et peut-être aussi la crainte de le voir devenir Prêtre par la suite et sans descendance ?
3. Il était le premier chrétien natif dans la région de Loubetsi ? Sa famille a-t-elle accepté son changement de vie ?
A-t-il, tout jeune chrétien, au retour dans sa région natale, rencontré des difficultés ?
MBY Joseph est considéré comme le 1er Enseignant puis Pasteur. Avec les Missionnaires suédois, des Enseignants, Evangélistes et autres artisans seront formés sur des générations.
Un autre Pasteur Elie MOUTETE est aussi une figure de la contrée.
D’ailleurs les Descendants de la Diaspora de la région que nous sommes en FRANCE, dans le reste de l’Europe, en Amérique et d’autres pays d’Afrique, nous nous réclamons de cet héritage.
La famille proche de MBY a accepté son changement de vie (d’ailleurs initié par son oncle KOUKEBENE). On ne peut éviter quelque réticence ou opposition chez certains autres (beau-frère et parenté qui s’opposaient à la nouvelle « culture » qui bousculait des coutumes ancestrales …)
Grand’mère MBOUTSI, épouse de MBY, racontait comment son frère BOUNDA opposé à son mariage, était venu la rechercher à 2 reprises de son foyer pour la ramener à Pont-du-Niari chez son père BIKOU ( qui avait bien validé ce mariage avec KOUKEBENE).
MBY était reconnu aussi pour son humilité et sa conciliation pour faire régner la paix du CHRIST dans la communauté multilingue.
4. Les missionnaires, dans leurs lettres, parlent des difficultés de comprendre les attitudes et comportements des natifs. Votre grand-père a-t-il parlé des problèmes de communication ou des malentendus entre les missionnaires et lui-même ?
Il faut comprendre qu’avec l’arrivée des Missionnaires scandinaves parlant suédois, puis plus tard le français et les langues locales, ces personnes qui apportaient l’Evangile et une foi nouvelle, c’était au début un choc de cultures, de modes de vie et de comportement qui n’était pas si aisé à comprendre. Les Suédois découvraient un autre monde, d’autres codes de vie et des mentalités différentes de leur mode de vie austère avec une grande rigueur morale.
Le « mensonge » selon le rationnel missionnaire était de ne pas dire la vérité quelles que soient les circonstances et autre interdit : ne pas prendre ce qui ne vous appartient Julienne SENGOMONA, fille d’Evangéliste et entre autres, écrivaine sur la contrée parle d’une anecdote : les éléphants ravageaient les champs et les villages exposant les villageois à la famine ; un éléphant tué, alors que l’Administration coloniale l’interdisait, la viande était partagée par tous les villageois, mais interdiction d’en parler à quiconque car les colons mettaient en prison dans des condition très dures tous les suspects arbitrairement arrêtés dans les villages.
Benoît KOUKEBENE, enfant à Loubetsi raconte : les Missionnaires avaient des safoutiers et manguiers. Les fruits qui tombaient au sol finissaient par s’abîmer ou être mangés par les oiseaux. Les enfants avaient une interdiction stricte de les ramasser, ce qui était incompréhensible pour les gens ; puisque les enfants n’avaient pas grimpé sur les arbres ni cueilli les fruits : pourquoi ne pouvaient-ils pas manger ce qui allait s’abîmer ? MBY Joseph devait expliquer aux écoliers et à ses propres enfants le principe de ne pas prendre ce qui est à autrui !
Grand’mère MBOUTSI a rapporté des décennies plus tard à sa petite-fille, que son mari et elle dans les premiers temps de cohabitation avec les Missionnaires suédois, avaient quitté Loubetsi et étaient repartis à Mouyondzi, après des tensions (exacerbées par une remarque jugée raciste ?). MBY était quelqu’un de très doux et très poli. Les Missionnaires étaient venus pour leur demander de revenir à la Mission. Mais ce n’est après un songe où Le SEIGNEUR a demandé à MBY de revenir à son service que le couple est rentré à Loubetsi …
Il faut nuancer ces propos en parlant d’une reconnaissance entière vis-à-vis des Missionnaires et des Natifs bâtisseurs de la Mission de Loubetsi.
Cette œuvre a littéralement changé la vie des gens : pas seulement dans la foi en DIEU, dans l’éducation des enfants et l’apprentissage des métiers, mais aussi dans la survie « immédiate »
grâce au Dispensaire et à la Maternité car grand’mère racontait que de son temps 1 enfant sur 4 mourrait en bas-âge !
Pour illustrer ce propos, deux Missionnaires Infirmières et Sages-femmes au nom de Maie et d’Anita qui ont travaillé à la Maternité de Loubetsi pendant des années ont vu ces deux prénoms donnés à des multitudes de bébés dont les parents étaient tellement reconnaissants !
Une réflexion au sujet de « Interview Inversée pour le BLOG « Loubetsi-visionplus » par Katarina HYLLIENMARK »
Une suggestion :
Le paragraphe qui présente les membres de la famille : l’oncle koukebene, la mère Makanga Élisabeth et la sœur aînée, mérite d’être éclairci (pour éviter une confusion ou incompréhension)
sur l’épouse de Daphone Mbouyou.
Information :
» Ya Siefu » et non « Siemfu » signifie « Grand-frère Joseph »
Une formule de politesse.
2ème information :
7 enfants de Mby Joseph sur 9 sont nés à Loubetsi 1. ( Sauf erreur)
Gloire à notre Dieu pour cette inspiration.Qu’Il la bénisse et suscite encore d’autres œuvres et ouvrières pour la poursuite de cette magnifique œuvre qui l’honore en définitive.
Courage à toi, Aimée Chantal !
Merci